C’est connu, les pauvres, ça pue. Et comme la colonisation anglaise nous a appris les bonnes manières et les choses importantes, on a rapidement vu à les laver. Sans blague, c’est pas tant que le monde d’ici ne se baignaient pas depuis toujours, bien au contraire, certains moralistes trouvaient même qu’on aimait un peu trop la chose, surtout flambants nus :
Vers cinq heures, hier après-midi, les personnes passant en face de l’Île Ronde furent surpris de voir un certain nombre d’hommes et femmes se baignant dans un état de nudité complète. Ils s’étaient transportés à l’Île en chaloupe. La police de l’île les ayant vus s’embarqua dans une chaloupe pour leur donner la chasse. En les voyant arriver quatre hommes et trois femmes s’emparèrent d’une embarcation et purent échapper, laissant leurs compagnons à la merci de la police. On leur donna l’ordre de s’habiller et on les transporta à la station centrale. Leurs noms sont Escilda Brunelle, Louis Deschênes, Emma Deschênes, [et cetera]. Ils ont comparu, ce matin, en cour du Recorder et ont été condamnés à $5 d’amende (« Honteuse promiscuité », La Patrie, 1er août 1889, p.4).
Avouez-vous que la scène fait sourire. D’autant que tout le monde sait que c’est jamais vraiment l’été tant qu’on s’est pas baigné dans un lac à poil. En tout cas.
Reste qu’avec l’industrialisation galopante et l’entassage chaotique de la plèbe ouvrière dans des quartiers aussi peu recommandables que le Faubourg à m’lasse, les autorités ont fini par se rendre compte que la grande majorité des logements ne comportaient pas de douche ni de bain, ce qui causait non seulement des problèmes d’odeurs, mais surtout de salubrité (je vous retrouverai les chiffres exacts une autre fois – c’est dimanche – mais Montréal sky rockait en tête du classement mondial, ex aequo avec Calcultta, pour le taux de mortalité infantile au début du XXe siècle).
C’est comme ça que les autorités municipales décidèrent d’implanter des bains publics gratuits pour fournir aux gueux l’occasion de se laver, c’était quand même pas rien quand on compare avec les coupes du Gros Barette qui imposent les couches aux handicapés parce que y’a plus de personnel pour les amener chier. On dira que je suis grossier, mais c’est pas moi qui a commencé.
Pour faire une histoire courte, le bas de la côte se voit ainsi greyé de trois bains publics, le bain Généreux (1927), le bain Mathieu (1931) et le bain Quintal (1932).
De la patauge aux compétitions de natation, les bains participent à partir de ce moment de la vie publique du quartier, le bain Généreux faisant même office, d’après les archives potineuses de la petite histoire, de proto-sauna pour les gais qui arrivent dans le quartier à partir des années 1970.
Reste que les années passent et que les apparts ont finalement pas mal tous maintenant une douche, les bains publics tombant en décrépitude au tournant des années 1990.
Le bain Quintal est resté, depuis, le plus près de sa vocation première en devenant une piscine publique. Le bain Mathieu fut quant à lui pris d’assaut par la Société pour Promouvoir les Arts Gigantesques (SPAG), qui a fait de la place un espace de diffusion pour des événements culturels.
De son côté, le bain Généreux connut une reconversion, en 1996, en devenant la maison de l’Écomusée du fier monde, un organisme voué à la diffusion de la culture et de l’histoire du quartier ouvrier, populaire et coloré qu’est Centre-Sud.
Alors d’un côté on se retrouve aujourd’hui avec la fonction natation et patauge qui est assumée par les piscines intérieures et extérieures (quoique, voir le cas extrême de la piscine Laurier, aux dires de mon bro Stephen Marchant), alors que celle de socialisation-à-la-romaine est maintenant pas mal tenue par des établissements disons privés qui, dans le quartier il faut l’avouer, offrent également, pour la plupart, des services « connexes ». Hum.
Références